In Situ : stages

Déplacement xy et pression sur la tablette graphique : un espace 3D intégré? (sujet proposé par Yves Guiard)

Il existe au moins deux raison pour souhaiter faire passer de deux à trois le nombre des degrés de liberté (DL) dont nous disposons habituellement en entrée pour intervenir dans les interfaces graphiques. En premier lieu, un DL supplémentaire devrait faciliter la manipulation directe des objets graphiques représentés dans une scène 3D. Une seconde raison, moins évidente, est que, pour concevoir les langages gestuels de commandes symboliques dont la nécessité semble se faire jour, un enrichissement de l'espace des trajectoires possibles serait le bienvenu.

Les deux DL des dispositifs d'entrée courants (souris, touchpad, mini-joystick, trackball, etc.) constituent un espace de contrôle intégré, c'est-à-dire un espace dans lequel l'utilisateur est capable d'imaginer, de tracer et de moduler des courbes, selon un processus de composition vectorielle dynamique qui suppose le contrôle parallèle des flux d'entrée. La littérature IHM a décrit un certain nombre de tentatives visant à offrir à l'utilisateur un troisième DL, mais les résultats ont été généralement décevants, l'utilisateur étant incapable en pratique d'intégrer la troisième dimension de contrôle avec les deux premières - par exemple, citons la souris à corps basculant.

Il s'agit dans ce stage d'explorer les possibilités inexploitées de codage 3D que recèlent les tablettes graphiques. On se représente volontiers une tablette graphique comme un exemple typique de dispositif d'entrée 2D. Pourtant, une tablette graphique permet d'entrer une information continue sur trois DL : laissant de côté l'inclinaison du stylet et les boutons de contrôle en tout ou rien, ces DL sont l'abscisse et l'ordonnée de la pointe du stylet, plus la pression exercée sur cette pointe (codée sur 1024 niveaux dans le cas de la tablette Wacom Intuos3). Ainsi n'importe quel tracé de stylet sur la tablette graphique définit de fait une trajectoire dans un espace mathématique 3D, avec une excellente résolution spatiale et temporelle (200 Hz).

Il reste toutefois à déterminer si, du point de vue de l'utilisateur, la force exercée sur la pointe du stylet peut fonctionner comme la troisième dimension d'un espace intégré - si, en d'autres termes, l'utilisateur est capable de générer des formes dans l'espace 3D obtenu avec la dimension supplémentaire de pression. Le fait que chacun de nous puisse produire des pleins et des déliés, c'est-à-dire moduler au moyen d'une variation volontaire de la pression du stylo sur le papier l'épaisseur de la trace que l'on est en train de déposer, est une indication préliminaire suggestive. On évaluera le degré d'intégration de la dimension de pression dans une tâche expérimentale qui reste à concevoir (par exemple un placement d'objet dans un espace graphique 3D).

Cette recherche mettra à profit la loi cinématique de Viviani et Terzuolo (1983) selon laquelle la vitesse instantanée d'un tracé manuel est une fonction puissance 2/3 de la courbure instantanée, une loi dont on sait qu'elle ne vaut que pour les tracés rapides (écriture cursive, dessin à main levée, gribouillage). S'il se confirme que les utilisateurs sont capables de produire sans trop d'effort des courbes dans l'espace graphique enrichi, on examinera si la cinématique de leurs mouvements suit la loi de Viviani et Terzuolo - une occasion de vérifier expérimentalement si cette loi, qui a été bien établie dans le plan, se généralise à l'espace 3D.

Ecriture manuscrite avec pleins et déliés :